Formation d’enseignantes et d’enseignants à l’intégration des TIC au curriculum

dans le cadre d’un partenariat Université Laval, Réseau d’écoles associées et Rescol à la source 



An I, étude de cas

 

Étude réalisée par l’équipe TACT, Université Laval

sous la direction de Thérèse Laferrière



Septembre 2000

Rédacteur : Étienne Massicotte

Recherchiste : Patricia Jacques


Table des matières

Le contexte
Les objectifs de l'étude de cas
La méthodologie
Description du cas
Le développement d’une capacité de système
Les projets d’intégration des TIC réalisés
Les résultats
Qui sont ces enseignants et futurs enseignants ?

Qu'est-ce qu’ils ont fait et comment?
Le support dont ils ont eu besoin, le support qu’ils ont obtenu
La place de l’ordinateur dans les projets
Les apprentissages des élèves et le climat de la classe
L’impact sur la culture de l’école, les pratiques d’apprentissage et le développement professionnel des enseignants
Quand les murs de la classe deviennent poreux
Quand les enseignants et les futurs enseignants apprennent dans l’action et par voie de retour sur l’action
Quand le programme Rescol à la source gagne à être connu
Les perspectives futures
Une voie de renouvellement pédagogique à poursuivre
Le rôle des commissions scolaires et des directions d’écoles
Conclusion




Le contexte

Au cours de l’année scolaire 1999-2000, un projet de collaboration entre Rescol et l’Université Laval était lancé. Le but de ce projet était de faire participer directement des étudiantes et des étudiants inscrits en formation initiale à l’enseignement au programme Rescol à la source, tout en étant supportés par des membres plus expérimentés de l'équipe Tact. Le projet visait notamment à développer la capacité des futurs enseignants à mettre en oeuvre des projets intégrant les technologies de l'information et des communications (TIC), les préparant ainsi aux nouveaux curriculum proposés par la réforme scolaire. Une première expérience a été réalisée au cours de la session universitaire de l’hiver 2000, avec une quarantaine d’étudiants et d’étudiantes. De ce nombre, 21 ont réalisé et complété, durant leur stage, un projet intégrant les nouvelles technologies. Il faut noter que, sur un total de 220 étudiants inscrits à ce cours, 40 ont choisi l’option pédagogie par projet. Le manque d’intérêt ou, surtout, la lourdeur de la tâche qui les attendait en ont découragé une dizaine. Parmi les 32 étudiants restant, 8 ont choisi de réaliser un projet sans TIC parce que les circonstances particulières de leur stage ne le permettait pas. Trois autres ont laissé tomber leur participation au programme Rescol à la source en cours de projet, pour des raisons similaires. Au total, 21 étudiantes sur 220 ont donc réalisé des projets intégrant les TIC et auxquels un financement de Rescol à la source était associé, soit quelque 10 % de toute la cohorte de 3e du programme d’éducation préscolaire et enseignement au primaire.

Parallèlement, l’année scolaire 1999-2000 a vu naître plusieurs collaborations autour de projets Rescol à la source entre des enseignants du Réseau des écoles associées à l’Université Laval, au sein duquel l’ensemble des stagiaires de tous les programmes de préparation à l’enseignement font leurs stages, et des membres de l’équipe Tact. C’est pourquoi, pour les fins de cette étude de cas, nous avons étendu notre observation à un ensemble de projets réalisés dans la région immédiate de Québec, dépassant ainsi la seule analyse des projets mis en oeuvre par les étudiants et étudiantes en formation des maîtres. En raison du protocole d’entente liant l’Université Laval et la Commission scolaire des Découvreurs(1), de même qu'en raison du nombre important d'enseignants de cette commission scolaire qui ont intégré les TIC, la majorité des observations ont été réalisées dans des écoles primaires et secondaires de cette commission scolaire, à l'exception d'un projet, qui fut réalisé à l’école la Courvilloise qui est rattachée à la commission scolaire des Premières seigneuries.

Parmi les enseignants et les futurs enseignants interrogés, quelques uns ont participé aux mêmes projets. Dans d'autres cas, seuls les enseignants ont été rencontrés, parce qu'ils n'accompagnaient pas de stagiaires au moment où leur projet fut réalisé, ou seuls les stagiaires, parce qu'il fut impossible de rencontrer l'enseignant associé. Notons également que tous les projets décrits dans cette étude de cas ont été présentés dans le cadre du programme Rescol à la source. Tous ont été acceptés et achevés au cours de l’année scolaire 1999-2000. 

(1)Ce protocole spécifie trois dimensions de collaboration : formation pratique de futurs maîtres, développement professionnel d'enseignantes et d'enseignants et recherche collaborative sur des questions d'intérêt commun.

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Les objectifs de l'étude de cas

Par cette étude de cas, nous voulons décrire et illustrer la capacité de réalisation de projets intégrant les TIC dans la région de Québec ainsi que présenter les éléments du contexte qui ont semblé favoriser la réussite des projets décrits. De façon plus précise, les objectifs poursuivis sont les suivants:

1. Donner un aperçu de l’état général de la capacité d’intégration des technologies de l’information et des communications (TIC) dans les écoles primaires et secondaires de la région de Québec à des fins d’amélioration des pratiques d’apprentissage.

2. Présenter des projets intégrant les TIC réalisés au primaire et au secondaire, ainsi que les conditions pédagogiques et matérielles qui ont contribué à la réussite de ces projets.

3. Faire ressortir le point de vue des enseignants et des futurs enseignants par rapport à leur expérience de réalisation de projets intégrant les technologies de l'information et des communications, les apprentissages des élèves et leur participation au programme Rescol à la source.

4. Faire un bilan en matière d’impact sur la culture de l’école et le développement professionnel des enseignants.

5. Faire état des perspectives futures .


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La méthodologie

Afin de dresser le portrait le plus juste possible, nous avons utilisé plusieurs sources de données. S’agissant de formation initiale et continuée et comme la conception et la mise en œuvre de projets intégrant les TIC reposaient essentiellement sur les personnes en relation directe avec les élèves, c'est-à-dire les enseignants (ou les stagiaires), nous avons accordé une importance toute particulière aux points de vue de ceux-ci. Voici l'ensemble des sources de données retenues et analysées:

D’une durée d’environ une demi-heure chacune, les entrevues ont été réalisées avec des enseignants et des futurs enseignants durant les mois de mai et juin 2000. Comportant près de trente questions, ces entrevues portaient sur les perceptions de ceux-ci au sujet de la réalisation de leur(s) projet(s) et ont été effectuées dans les écoles respectives de chacun des enseignants. Chaque entrevue à été enregistrée et retranscrite. Au total, 11 personnes ont été rencontrées, 7 enseignants et 5 futurs enseignants.

Les étudiants et les étudiantes ayant participé à la réalisation de projets Rescol à la source dans le cadre du cours Intervention pédagogique et gestion de classe (ENP-20005) du programme de Baccalauréat en éducation préscolaire et en enseignement primaire ont rempli un court questionnaire. Comme seul un petit nombre de ces étudiants et étudiantes ont été interviewés, nous avons également tenu compte de ce questionnaire, lequel apporte des données supplémentaires pour l’étude de cas.

Ce questionnaire portait sur la formule du cours, sur la réalisation de leur projet, de même que sur le support dont ces étudiants et étudiantes ont bénéficié. Dans le cadre de la présente étude de cas, ce questionnaire fut une source de données complémentaire, étant donné que plusieurs des questions correspondaient aux questions proposées dans le questionnaire d’entrevue. Au total, 18 questionnaires ont été remplis et retournés.

Tout au long de la planification et la mise en œuvre de leur projet, ces mêmes étudiants et étudiantes ont participé à un forum de discussion, en ligne, dans lequel ils ont échangé avec leurs pairs et le personnel les encadrant. Les discussions portaient tant sur leurs impressions relatives à chacune des étapes de leur projet que sur divers aspects pédagogiques et pratiques reliés à leurs démarches respectives. Pour la présente étude de cas, nous avons puisé quelques extraits de ce forum, l’intérêt de ces données étant qu’elles reflètent des impressions et des réflexions partagées entre pairs en cours de projets, et non seulement une fois ceux-ci terminés.

Suite à la participation des étudiants et des étudiantes du cours ENP-20005 à ce forum de discussion, une analyse de son contenu a été réalisée afin de saisir la nature des discussions. Ces dernières ont été prises en considération.

Étant donné que tous les projets à l’étude ont été réalisés dans le cadre du programme Rescol à la source, nous avons également pris en considération les données comprises dans les formulaires de proposition et de rapport de projet pour le dit programme.

Des données ethnographiques, incluant des entretiens avec des personnes en autorité du milieu scolaire et de l’université, ont été aussi recueillies par le rédacteur de cette étude de cas et elles sont ci-dessous utilisées en filigrane.

Les données ont été colligées à partir des questions de deux des trois canevas d’entrevues fournis à l’origine, celui relatif aux futurs maîtres et celui relatif aux enseignants. L’analyse qualitative a permis de produire le cas suivant.


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Description du cas

D’abord, jetons un bref coup d'œil sur la situation dans le milieu scolaire eu égard aux projets Rescol à la source réalisés dans la région Québec-Chaudière-Appalaches. La capacité de conception de projets intégrant les TIC, de même que leur mise en œuvre était plutôt restreinte en janvier 2000 si l’on en juge par le nombre de projets Rescol à la source alors complétés. Bien que l’initiative d’un projet Rescol à la source soit laissée aux enseignantes et aux enseignants qui jouissent généralement d'une certaine liberté d'action, néanmoins, ceux-ci doivent répondre aux préoccupations des parents, tout comme ils doivent accomplir leurs tâches professionnelles en les inscrivant dans les politiques de leur école et de leur commission scolaire. En même temps, l'accomplissement de leurs tâches ne saurait se faire en vase clos et ce, tout particulièrement dans le cas de l'intégration des TIC, lesquelles nécessitent, du moins ces années-ci, un grand support technique et humain.

 

Le développement d’une capacité de système

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Depuis plusieurs années déjà, bon nombre d’intervenants du milieu scolaire de la région de Québec joignent leurs efforts afin d’installer les conditions de base (connectivité et acquisition d’habiletés techniques) permettant la réalisation de projets pédagogiques ou d’apprentissage intégrant les TIC. Ces efforts partent autant d’enseignants eux-mêmes que des membres du personnel des commissions scolaires et de l’université. Ainsi, certains conseillers pédagogiques au sein de commissions scolaires et membres de l’AQUOPS ont joué des rôles clés. De plus, l’université Laval, à travers son réseau d’écoles associées(2), a développé des projets de collaboration afin de mieux connaître, et contribuer à l’expertise en plein développement dans les écoles primaires et secondaires et d’ainsi faire en sorte que les futurs enseignants soient mieux préparés.

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Parmi les commissions scolaires associées à l’université, la commission scolaire des Découvreurs est une de celles qui ont le plus orienté leurs efforts vers des pratiques pédagogiques intégrant les technologies des communications et de l’information à travers une approche par projet. L’une de ses écoles secondaires, l’école les Compagnons-de-Cartier, accueille, depuis maintenant 3 ans, un programme pilote, Protic(3), où la pédagogie pratiquée est axée sur l’approche par projet, le travail coopératif et l’intégration des technologies des communications et de l’information. Chaque élève du programme – et ils sont maintenant plus de 200 sur un total de 1400 élèves inscrits à cette école – dispose d’un ordinateur portable branché en réseau avec les autres élèves de la classe (intranet) et aussi sur l’Internet. Si les classes Protic se distinguent beaucoup des autres classes de la commission scolaire, elles n’en sont pas isolées pour autant, puisqu’elles constituent de véritables laboratoires à partir desquels l’expertise ainsi développée se répand de plus en plus dans les autres classes et écoles de la commission scolaire ainsi que celles du réseau des écoles associées. En effet, depuis la création du programme en septembre 1996, un nombre grandissant de projets ont vu le jour, tant au primaire qu’au secondaire. Le programme Rescol à la source s’est avéré un atout de taille au cours des deux dernières années. Par exemple, au cours de l’année 1999-2000, plus d’une vingtaine de projets nés d’une collaboration université-milieu ont été réalisés; plusieurs de ces projets étaient des projets collectifs impliquant plus d’une classe.

De plus, une entente de collaboration existe avec Tact dans le cadre du programme de recherche Formation des pédagogues du Réseau des centres d’excellence en télé-apprentissage, de façon à développer encore plus ces pratiques en favorisant, entre autres, les échanges entre les enseignants, les futurs enseignants, les chercheurs, les directions d’écoles ainsi que les autres intervenants du milieu scolaire au moyen de l’ordinateur en réseau et d’outils de télé-collaboration. C’est ainsi que plusieurs des projets mis en œuvre au cours des dernières années, et tout particulièrement depuis deux ans, ont impliqué des membres de l’équipe Tact, que ce soit des étudiants ou les chercheurs principaux.

Si un effort notable pour intégrer l’approche par projet et les TIC à l’enseignement est observable à la commission scolaire des Découvreurs, il serait cependant restrictif de ne pas mentionner les efforts similaires réalisés dans les autres commissions scolaires et écoles de la région de Québec. Toutefois, pour les fins de cette étude de cas, nous nous limitons à l’observation de ce qui s’est accompli avec un financement Rescol à la source dans cette commission scolaire, à l’exception d’une école de la commission scolaire des Premières seigneuries, l’école secondaire la Courvilloise, où plusieurs projets de collaboration entre des enseignants et l’Université Laval ont été mis en œuvre. On y trouve des projets d’intégration des TIC dans l’enseignement de l’anglais comme langue seconde et des sciences, ainsi qu’un programme spécial de jumelage du cours d’informatique au cours de géographie.

Bref, on constate que des pédagogues innovateurs, œuvrant à titre d’enseignant, étudiant en enseignement, conseiller pédagogique, directeur d’école ou formateur de maîtres, s’allient afin de rendre présentes les TIC dans l’apprentissage des élèves du primaire et du secondaire. On constate aussi que le programme Rescol à la source aide de manière significative ces innovateurs à faire progresser leurs différents projets d’intégration de l’ordinateur en réseau.

(2) Depuis 1987, l'université Laval a établi des partenariats avec certaines commissions scolaires de la région Québec-Chaudière-Appalaches afin de créer des relations plus étroites et continues entre des écoles primaires et secondaires en matière de formation initiale, de perfectionnement d'enseignants et de recherche collaborative. Le réseau actuel compte plus de 150 écoles et chacune joue un rôle important dans la formation pratique des futurs enseignants et certaines participent à divers projets de recherche impliquant des chercheurs de l'université.

(3) Pour plus de détails concernant le programme Protic, consulter Gestion d'une classe, Communauté d'apprentissage, Phase 1 du projet de recherche, Partenariat Protic-FCAR-TACT, (http://www.tact.fse.ulaval.ca/fr/html/fcar/rapporta.html), un collectif sous la direction de Thérèse Laferrière, 2000. Ce document décrit, d'un point de vue pédagogique, les deux premières années d'existence du programme.


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Les projets d’intégration des TIC réalisés

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Les projets varient beaucoup tant par leur ampleur que leur forme. Cependant, tous ont abouti à la présentation du produit final publié sur le Web et relié à la page Web construite à cette fin (http://www.tact.fse.ulaval.ca/gestion_de_classe/index.html). En voici des exemples :

Mis en œuvre par des conseillers pédagogiques de la Commission scolaire des Découvreurs, ce projet collectif a été réalisé par dix enseignantes et enseignants de neuf écoles différentes, dont une des enseignantes était accompagnée d’une stagiaire et en assurait l’encadrement. Le projet consistait à capter sur une caméra numérique (WebCam) des présentations orales réalisées par des élèves de différentes années du primaire, soit de la première année à la sixième année. Une fois numérisée, chaque présentation devait ensuite être partagée, via l’Internet, aux élèves des autres classes participantes. Ces derniers devaient ensuite faire part de leurs commentaires en utilisant le courrier électronique. Les thèmes abordés dans chaque classe allaient d’une présentation d’un objet significatif, d’exposés scientifiques, de présentations sur des pays, jusqu’à une pièce de théâtre. Un des objectifs initiaux était que chaque classe arrive à communiquer en direct par vidéoconférence. En raison de divers problèmes, seules deux classes ont atteint cet objectif de communication de manière synchrone. Toutes les classes ont cependant produit des capsules vidéo qui ont été déposées sur le Web (http://www.csdecou.qc.ca/projets/videoconference/) et qui ont pu être visionnées, en différé, par les autres classes.

Plus de 200 élèves ont participé au projet qui s’est déroulé sur une période de 4 mois. Cinq des enseignants et une des stagiaires interrogés ont participé à ce projet.

Outre le projet de vidéoconférence, plus d’une vingtaine de projets intégrant les TIC ont été observés, dont 17 réalisés par des futurs enseignants en cours de stage. Ainsi, en sciences humaines, on trouve un projet de géographie portant sur les régions administratives du Québec (http://jupiter.grics.qc.ca/saqca/Courvilloise/geograph.htm ) où les élèves ont co-construit et partagé leurs connaissances dans une banque de données en ligne (ABCW/Web Knowledge Forum), un projet en histoire au cours duquel les élèves ont fait des recherches sur l'histoire de la Nouvelle-France puis ont confectionné une tapisserie présentée sur une page Web, une autre recherche mise en ligne et portant sur l’histoire de la Nouvelle-France, un projet où les élèves ont créé des scénarios de pièces de théâtre portant sur la Renaissance, joués puis diffusés sur le Web. On trouve aussi un projet de géométrie (pavages) dans lequel les élèves ont créé des designs de planches à neige présentés à de vrais compagnies via Internet, deux projets de composition collective impliquant de deux à trois classes de même niveau ou de niveaux différents, un journal d’école en ligne, et même la création d’un disque hip hop accessible en ligne. Il est possible de voir le résultat final des projets mis en œuvre par les stagiaires à l’adresse suivante : http://www.tact.fse.ulaval.ca/gestion_de_classe/projets.html .

Chacun de ces projets a impliqué la participation d’une, deux et même trois classes dans un cas, soit entre 24 et 75 élèves.


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Les résultats

Avant d’analyser plus en profondeur les conditions pédagogiques et matérielles et le point de vue des enseignants sur la question (contextes et facteurs), il importe de mieux cerner qui sont ces enseignants et ces stagiaires et quelles sont leurs expériences antécédentes.

 

Qui sont ces enseignants et futurs enseignants?

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Les enseignants qui ont participé aux divers projets à l’étude ont entre 3 et 30 ans d’expérience d’enseignement, la majorité d’entre eux ayant plus de quinze années d’expérience. Si tous ont une formation initiale similaire, soit l’équivalent d’un diplôme universitaire de premier cycle en éducation, leur développement professionnel varie. La majorité d’entre eux ont suivi diverses formations par l’intermédiaire de leur commission scolaire, formations pédagogiques ou techniques. Plusieurs ont également poursuivi des études universitaires de second cycle. Fait à noter, ils ont indiqué être tous familiers avec l’approche par projet. Pour ce qui est des stagiaires, les différences de formation sont encore moins marquées. En effet, tous étaient à leur troisième ou quatrième année d’étude en éducation préscolaire ou en enseignement primaire ou secondaire. Leur formation était donc équivalente, sauf en ce qui a trait à la pédagogie par projet, laquelle fait l’objet d’une option à l’intérieur d’un cours du Baccalauréat en éducation préscolaire et enseignement primaire (BÉPEP), ce qui n’est pas le cas dans le Baccalauréat en enseignement secondaire (BES). Les stagiaires étant issus de ce programme de formation se sont donc initiés à cette approche sur le terrain, c’est-à-dire dans le cadre de leurs activités de formation pratique. De leur côté, tous leurs enseignants associés faisaient déjà appel à l’approche par projet, avec ou sans les technologies de l’information et des communications.

 

Pour ce qui est de leur connaissance des TIC, la majorité des enseignants et des futurs enseignants affirment être à l'aise avec les logiciels de base, quelques-uns étant toutefois plus avancés. En moyenne, ils utilisent les outils informatiques pour leur travail depuis 3 ans, la plupart dans un environnement PC. Toutes les écoles visitées fonctionnent d’ailleurs sur cette plate-forme. Si la grande majorité des enseignants ont reçu des formations par la commission scolaire, portant surtout sur l'utilisation de logiciels, les enseignants plus avancés affirment avoir beaucoup plus appris par eux-mêmes, par tâtonnement. Voici d’ailleurs ce que pense un enseignant des formations reçues par la commission scolaire :

« Ils nous disent quoi faire quand toi, tu es devant l'écran. Il faut commencer par ça, c'est sûr, mais j'espère que l'an prochain on verra quoi faire avec les élèves : travailler par atelier, par rotation. Ils donnent aux enseignants un document broché portant sur le logiciel, puis les enseignants le mettent dans leur classeur et pensent : on ira à l'ordinateur quand on aura du temps (….) Il faut que tu aies la vision que c'est un outil de travail à développer.»

Les futurs enseignants ont, quant à eux, tous suivi un cours d’initiation aux technologies de l’information et des communications dans le cadre de leur programme d’études. Cependant, le cours est davantage axé sur l’utilisation de logiciels, l’intégration pédagogique de l’ordinateur aux activités de la classe et au curriculum étant vue superficiellement. Comme leurs aînés, ils ont beaucoup appris par eux-mêmes ou par l’entremise de cours à l’extérieur de leur programme d’étude. Ces témoignages d’une enseignante et d’une stagiaire mettent bien en perspective la nécessité de réaliser une démarche personnelle pour mieux s'approprier ces outils:

« J'ai suivi tous les cours offerts par la commission scolaire portant sur les logiciels pour enfants, Windows… Mais ce qui arrive, c'est que si on ne pratique pas tout de suite ce qu'on a appris, quand on arrive pour le mettre en pratique, c'est comme un recommencement. On oublie. »

« Il y a 4 ans, avant de commencer le bac, je n'avais jamais touché à un ordinateur de ma vie. J'ai pris un cours d'initiation à l'Internet de trois heures, offert par l'université. Ensuite, j'ai appris par moi-même puis la deuxième année, et j’en suis là, il faut que je commence [par apprendre] à taper avec mes dix doigts. J'ai commencé à taper mes travaux, j'ai fouillé dans les logiciels-outils. »

 

Dans l’ensemble, cependant, presque tous les enseignants utilisaient déjà l'ordinateur pour leur travail personnel. La moitié d'entre eux avaient déjà réalisé un ou plusieurs projets intégrant les TIC avec leurs élèves. Ce nombre est encore plus élevé chez les futurs enseignants, bien qu’ils n’avaient réalisé qu’un ou deux stages pratiques dans des classes du milieu scolaire. Dans la plupart de ces projets, l’ordinateur servait pour le traitement de texte, la recherche sur Internet ou pour l’accès à des CD-ROM éducatifs. C’est dire que les futurs enseignants qui ont opté pour l’approche par projet dans le cours Intervention pédagogique et gestion de la classe avaient déjà vu leurs enseignants associés, soit ceux qui les reçoivent dans leurs classes à des fins de stage pratique, utiliser l’approche par projet. Ceci confirme, une autre fois, l’importance, en matière d’innovation pédagogique, de la pratique de l’enseignant associé dans la formation des futurs maîtres.


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Qu'est-ce qu’ils ont fait et comment?

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Nous l’avons dit précédemment, tous les enseignants et étudiants en formation des maîtres qui ont été rencontrés ou observés ont réalisé durant l’année scolaire au moins un projet intégrant les TIC. Ces projets, décrits plus haut (4), ont été faits en classe, avec tous les élèves, et s’intégraient aux activités régulières visant l’atteinte des objectifs du curriculum scolaire. Leur durée variait entre quatre mois (dans le cas du projet collectif de vidéoconférence) et environ 4 jours pour un projet de maternelle portant sur les dinosaures et réalisé par l’une des stagiaires. Et c’est sans compter la préparation relativement importante pour ce genre d’activité, surtout lorsqu’il s’agit de premières expériences. Afin de mieux comprendre comment ces projets se sont déroulés, nous nous sommes intéressés au processus et au contexte immédiat de leur mise en œuvre.

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Pour les enseignants, l'idée de réaliser un projet est le résultat d'une démarche personnelle ou de la proposition d'un collègue ou d’une stagiaire. Dans le cas du projet de vidéoconférence, l'idée générale du projet est venue, à l'exception de l'enseignant qui l'a initié, des conseillers pédagogiques. Ceux-ci ont lancé l'idée à quelques enseignants susceptibles d'être intéressés. Par contre, le choix des thèmes à aborder, de même que l'organisation du projet de classe furent à la discrétion de chaque enseignant. Pour les stagiaires, il s'agissait d'une option de travail dans le cadre d'un cours universitaire. Pour le choix du thème ou du type de projet, des enseignants ont simplement modifié une activité qu'ils réalisaient déjà sous une forme différente, d'autres y sont allés d'une toute nouvelle activité. Les stagiaires répondant à cette question ont affirmé s'être principalement inspirés d'un thème apprécié des enfants, des objectifs à atteindre ou de la discussion avec leur enseignant associé. D'une façon générale, la nature même des projets est donc généralement déterminée à partir d'un thème, d'objectifs pédagogiques, ou d'un outil.

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Pour la grande majorité des stagiaires, les principales difficultés rencontrées durant la planification des projets furent reliées à l’organisation de la classe et à la liaison d’un projet donné à des objectifs précis du curriculum. La gestion de projet, surtout lorsque le contrôle de la classe est exercé d’une manière plus participative, pose aussi problème. Ce commentaire illustre de manière poignante cette difficulté, davantage reliée à l’approche par projet qu’à l’intégration des TIC comme telle, et reflète aussi d’autres commentaires déposés dans le forum durant la phase de planification :

« Il est vrai que dans la pédagogie par projet une large part du contrôle doit être exercé par les élèves mais ça fait quand même un peu peur... Ma classe est extrêmement encadrée et tout, même les ateliers, ont des consignes très... restreignantes, je dirais. Tout est contrôlé et si on donne de l'espace aux enfants ils deviennent très désorganisés. Juste changer le menu ça fait toute une histoire. Je veux leur donner une part du contrôle mais que va-t-il arriver ? C'est inquiétant lorsque l'on a un groupe difficile. Je sais que ça va bouger plus, que ça va discuter plus fort et je suis tout à fait pour la construction des connaissances par les apprenants mais quand le professeur tient les rennes très serrés, quand on les relâche, ça part en fou ! J'avoue ne pas trop savoir quoi faire avec ça... » (5)

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Il faut rappeler que les futurs enseignants sont relativement peu familiers avec l’approche par projet. Parmi les 18 étudiants ayant répondu au questionnaire suite au cours Intervention pédagogique et gestion de classe, 9 affirmaient ne pas connaître cette approche avant le cours, et 4 affirmaient n’en avoir eu qu’une vague idée. Cela est d’autant plus vrai pour les stagiaires à l’ordre secondaire. Même pour un enseignant habitué à travailler par projet, les ajustements sont pratiquement toujours de la partie. Que ce soit à cause de la technique, de l’accessibilité du matériel ou simplement de l’organisation même du projet et de la classe, la nécessité de faire des ajustements en cours de projet est relevée par tous les enseignants et futurs enseignants interrogés. Voici ce que pense un stagiaire à propos des ajustements qui surviennent en cours d’exécution de projet :

«Dans un projet, on en a toujours [des ajustements]. D'ailleurs, c'est ce que les élèves nous reprochent. Ils nous disent: branche-toi, ce n'est pas ça que tu m'as dit avant-hier. Un projet, c'est dynamique. Il ne faut pas constamment bouleverser les choses, mais dès que ça améliore le travail, il faut se permettre de le faire

Cet autre témoignage illustre la part de l’imprévisible dans la réalisation d’un projet:

«[Voici] d'autres réajustements que j'ai dû faire : les mouvements en classe. Ils n'étaient pas habitués de fonctionner comme ça. On a eu des discussions sur les droits d'auteur et le fait que toute une équipe ne soit pas obligée d'aller à l'imprimante. »

 

(4) La meilleure façon de décrire ces projets reste d'en montrer les résultats. Voici les liens vers les projets réalisés par les étudiants et étudiantes au programme de formation des maîtres pour le préscolaire et primaire dans le cadre du Cours de gestion de classe BEPP (ENP-20005) : http://www.tact.fse.ulaval.ca/gestion_de_classe/index.html
Projet vidéoconférence (accueil et lien vers les sous-projets) : http://www.csdecou.qc.ca/projets/videoconference/
Projet sur les régions administratives du Québec : http://jupiter.grics.qc.ca/saqca/Courvilloise/geograph.htm

(5) Extrait tiré du forum de discussion des stagiaires, dans le cadre du cours Intervention pédagogique et gestion de classe (ENP-20005).


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Le support dont ils ont eu besoin, le support qu’ils ont obtenu

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Se lancer en projet tout en intégrant les TIC nécessite souvent de l'aide : de la formation, de l'aide technique et, parfois, du soutien pédagogique. Utiliser l'ordinateur pour du travail personnel est une chose, intégrer les TIC en classe, avec les élèves en est une autre. Nous l'avons vu, la plupart des enseignants rencontrés avaient au moins une bonne base au départ. Cependant, il faut qu'ils aient suffisamment confiance en leurs moyens pour se servir de l'ordinateur en réseau avec les élèves. Au cours de leur projet, plusieurs enseignants ont apprivoisé de nouveaux outils. Or, ils n'ont pas nécessairement bénéficié de formation particulière pour apprendre à utiliser ces logiciels-outils. De même, une partie des futurs enseignants n'avaient jamais construit une page Web. Bien qu'une courte formation leur ait été offerte dans le cadre du cours pour lequel ils ont choisi de réaliser un projet, plusieurs ont affirmé qu'ils auraient apprécié davantage de formation. C'est pourquoi plusieurs ont eu recours à l'aide de collègues plus avancés ou d'amis. L'entraide entre collègues a d'ailleurs été très grande chez les futurs enseignants. Le fait que 4 des projets des stagiaires furent réalisés en collaboration, en équipes de deux ou trois stagiaires qui, pourtant, n’étaient même pas dans la même école, illustre bien le soutien mutuel entre pairs qui s’est manifesté. Cet esprit de collaboration et d’entraide fut d’ailleurs relevé par plusieurs d’entre eux :

« La planification, ça s'est fait beaucoup avec les autres stagiaires. En équipe de trois, on a beaucoup travaillé à la planification des projets ensemble, on se donnait des conseils, des idées. Donc, [une première] planification s'est faite à ce niveau. Quand est venu le moment de le présenter aux élèves, il y a une autre planification qui s'est effectuée : la négociation. On a essayé de les embarquer, puis de les rassurer dans ce qu'ils allaient faire. Donc, la planification, je l'ai faite moi-même mais aussi avec d'autres stagiaires. Le chargé de formation m'a aussi aidé. »

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La situation fut semblable pour les enseignants : ils ont fait des démarches personnelles pour apprendre à utiliser certains logiciels, alors qu'ils avaient déjà reçu, dans certains cas, de la formation pour d'autres. Ils n'étaient pas sans support pour autant. Pour le projet de vidéoconférences, un guide d'utilisation de la caméra leur a été fourni. Ce fut le même cas pour le projet portant sur les régions administratives du Québec. Cependant, c'est souvent l'aide sur place qui leur a été la plus utile, celle-ci répondant mieux à leurs besoins immédiats. Dans la plupart des projets observés, les enseignants ont eu, en cours de route, de l'aide sur place, que ce soit de la part d'un étudiant de l'université, d'un technicien ou d’un conseiller pédagogique. Malgré cela, plusieurs affirment qu'ils auraient parfois eu besoin de plus de support technique et surtout, du support technique au moment où ils en avaient besoin. En effet, quelques enseignants ont déploré le fait qu'il faille parfois attendre, alors qu'ils auraient eu besoin d'aide rapidement. Lorsqu'un problème survient en classe, il est souvent préférable qu'il soit réglé sur-le-champ. Sinon, l'enseignant ou les élèves peuvent se décourager, voire abandonner un projet :

« Souvent, le problème qu'on a, c'est le support, les ressources humaines. Dans tous les projets que j'ai faits, c'est celui pour lequel j'ai eu le plus de difficulté à avoir quelqu'un pour m'aider quand j'en avais besoin. Aussi, ça demande de la libération pour toi. Si tu es toujours avec tes élèves… il faut être très à l'aise avec les technologies, sinon, tu veux tout abandonner. »

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Sur ce plan, la situation des stagiaires ne fut guère plus facile. En raison de leur nombre et de la dispersion de leurs lieux de stage, ils n’ont pu bénéficier d’un tel support. Ayant, dans la plupart des cas, peu de support technique dans leur école, ils ont dû faire preuve d’une grande débrouillardise. Sauf une, les stagiaires n’ont pas pu compter sur l’aide de leur enseignant associé pour les aspects techniques de leur projet, ces derniers étant généralement moins avancés à ce niveau. Ils ont par contre pu bénéficier de leur aide pour l’organisation et la gestion de la classe durant la mise en œuvre du projet, ce qui est loin d’être négligeable.

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Lorsqu’il s’agit d’intégrer les TIC en classe, ce sont surtout les aspects techniques qui semblent susciter le plus de craintes et d’insécurité. Tous les enseignants et les futurs enseignants interviewés, même ceux se disant très à l’aise avec les technologies, y ont accordé une importance significative. Pourtant, les aspects pédagogiques, tels que l’organisation des activités et de la classe, de même que la gestion de classe, apportent eux aussi leur part de difficultés. En effet, si ces aspects sont relevés avec moins d’insistance par les enseignants, ils n’occupent pas moins une place importante dans la bonne marche de projets intégrant les TIC.


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La place de l’ordinateur dans les projets

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Puisque l’ordinateur semble tant préoccuper les personnes interviewées, quelle était donc sa place dans leurs projets ? Dans les projets observés, l’ordinateur a servi de diverses façons. À l’exception du projet de vidéoconférence, tous les projets ont d’abord nécessité l’utilisation, par les élèves, du traitement de texte. Les élèves ont fait des recherches d’information sur Internet dans plus de la moitié des projets. Deux projets de télé-collaboration ont été réalisés à l’aide de l’Abcw (Web Knowledge Forum), un environnement de collaboration en ligne. Certains projets ont inclus des présentations avec Power Point et des caméras numériques furent utilisées pour les vidéoconférences. Aussi, comme chaque projet présenté dans le cadre du programme Rescol à la source incluait une page Web, le langage html fut également beaucoup utilisé. Dans les classes du primaire, toutefois, à l’exception d’une classe de sixième année, ce sont les enseignants ou les stagiaires qui ont créé la page proprement dite. Les enfants y ont contribué indirectement en créant et manipulant les éléments de la page : textes, images ou dessins numérisés. Le courrier électronique joua également un rôle important dans plusieurs projets, plus particulièrement dans les projets de création d’histoires collectives : dans ces projets (il y en eut trois), les élèves envoyaient leurs contributions aux autres classes par courrier électronique. Le courrier électronique joua aussi un rôle important dans les communications entre les enseignants, stagiaires et les autres intervenants. Par exemple, le volet collectif du projet de vidéoconférence fut presque entièrement coordonné via le courrier électronique.

 

Chaque projet a donc nécessité l’usage de l’ordinateur de plusieurs façons. Cela ne veut toutefois pas dire qu’il fut utilisé à toutes les étapes des projets. Dans la majorité des projets, l’ordinateur a servi sporadiquement au cours du projet ou, encore, à la fin seulement. Par exemple, dans une classe qui participait au projet de vidéoconférence, l’ordinateur n’a servi qu’à la toute fin du projet, pour l’enregistrement et la mise en ligne des présentations, sauf pour quelques élèves qui ont fait des recherches sur Internet. En effet, comme la caméra n’arrivait pas et qu’elle devait quand même réaliser son projet, la stagiaire qui y travaillait est quand même allée de l’avant avec les élèves, aidant ceux-ci afin qu’ils soient prêts lorsque la caméra allait arriver.

 

Même si l’ordinateur retient, à prime abord, davantage l’attention que l’approche pédagogique, les enseignants et les futurs enseignants interrogés considèrent l’ordinateur comme un outil et non une fin. Le commentaire de ce stagiaire résume bien ce que d’autres ont exprimé :

« Je pense que ce qui faut garder en tête, c'est que l'ordinateur, c'est un outil. C'est-à-dire qu'il ne faut pas utiliser l'ordinateur pour l'utiliser. Il faut qu'il y ait un but à ça. Il faut que ça soit utile, il faut que ça serve. Il ne faut pas seulement intégrer les TIC à tout prix, juste pour les intégrer puis que ça soit pas rentable puis que ça serve à rien. Donc, il faut que ce soit quelque chose de rentable, qui se prête bien à l'utilisation de l'ordinateur. (…) »

 

Cette idée n’est toutefois pas encore partagée par tous les enseignants, observe une enseignante, à propos de la vision de l’intégration des TIC chez certains collègues :

«(…) on ira à l'ordinateur quand on aura du temps. Leur vision [les autres enseignants], c'est quand on aura du temps, après, on ira à l'ordinateur. Mais ce n'est pas ça. C'est en faisant le travail qu'il faut.»

 

Dans une telle optique, l’approche par projet se présente comme une voie propice à l’intégration des TIC en tant qu’outil, comme le mentionne cette stagiaire :

« Les 2, pour moi, sont quasiment indissociables. La pédagogie par projet permet de mettre l'élève au centre de son apprentissage, elle permet de faire acquérir les fameuses compétences qu'on veut faire développer chez les élèves et le projet donne une latitude à l'élève. C'est le mariage idéal. »

 

Enfin, un autre enseignant note que l’ordinateur est un outil qui nécessite une certaine adaptation, tant en ce qui concerne la pédagogie préconisée qu’en ce qui concerne la gestion de classe :

« C'est plutôt le fonctionnement de classe qui rentabilise le fonctionnement des TIC. Quand un enseignant fait de l'enseignement dirigé et très structuré, il n'arrive pas à faire des TIC. S'il s'en sert comme si c'était un crayon, [il dira] : je n'ai pas le temps, les élèves ont fait leur production écrite, j'ai pas le temps qu'ils l'écrivent à l'ordinateur. Si on fonctionne par ateliers, on gagne du temps et les élèves peuvent aller de façon libre. Là, les TIC sont utilisées au maximum (scanner des images, travailler avec Internet, communiquer avec des classes). Sinon, on ferait comme tout le monde en allant au labo 1hre par 5 ou 8 jours. C'est vraiment d'adapter les TIC à l'enseignement, mais il faut changer l'enseignement pour être capable d'adapter les TIC. »

 

On le voit donc, le contexte dans lequel enseignants et élèves se sont servis de l’ordinateur en réseau est important. Il ne s’agissait pas tant de l’utiliser à tout prix, mais d’en faire un complément, voire un support, efficace à une activité pédagogique. Dans la réalité de ces projets, si tous y ont vu un bénéfice, il faut bien remarquer que ce sont d’abord les projets qui ont rendu l’ordinateur utile aux yeux des enseignants et des stagiaires et non le contraire. De plus, l’efficacité ne fut pas nécessairement automatique, comme le démontrent les nombreux témoignages relatifs aux difficultés techniques. Malgré tout, ces enseignants et futurs enseignants croient que les bénéfices encourus, particulièrement chez les élèves, valaient les efforts pour surmonter les difficultés.


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Les apprentissages des élèves et le climat de la classe

S’il est un aspect sur lequel tous les commentaires recueillis convergent, c’est les bénéfices, pour les élèves, de la réalisation de projets intégrant les TIC. En effet, les commentaires recueillis sont unanimes, les élèves retirent beaucoup de leur implication dans ces projets. Selon les enseignants et les futurs enseignants interrogés, ces projets sont avant tout une grande source de motivation pour les élèves : « Ils ont embarqué tout de suite avec beaucoup de motivation. »

La motivation ainsi suscitée est parfois plus marquante pour certains élèves habituellement en difficulté, comme le montre ces deux témoignages :

« Ça va chercher les enfants qui ont de la misère, ça les motive à embarquer plus dans les activités. C'est un gros plus. »

« C’est un moyen de raccrocher certains garçons qui auraient tendance à décrocher. Mon enseignante et moi avons identifié certains élèves comme des décrocheurs et ce qui les retenait, c'est l'utilisation des technologies. On cherche des solutions au décrochage, mais ça, ça en fait partie, tant mieux. »

Les enseignants notent également que les élèves se sont trouvés à être actifs, participant à leur apprentissage, et ont eu l’opportunité de faire preuve de créativité :

« Chaque élève n'est plus contraint de rester assis à se dire : je ne suis pas bon à l'école, je ne peux rien apporter à mon groupe, je n'ai pas le goût de répondre aux questions. L'élève créatif peut faire des dessins, un autre est original et bon en français. Ils peuvent avoir une valorisation sur une autre facette que le plan académique. »

Parce que l’intérêt y était et parce que les élèves avaient la possibilité de le faire, les enseignants remarquent que le projet a permis aux élèves d’atteindre les objectifs du curriculum et que certains élèves sont même allés plus loin, dans leurs recherches, que ce qui était demandé.

« Oui. Certains ont travaillé à la maison, certains ont voulu pousser plus loin parce que l'intérêt était là. La plupart ont atteint les objectifs du ministère. Certains en ont retiré plus, ça va leur servir, d'autres en ont retiré moins, ça va peut-être les pousser pour aller plus loin. »

Il a aussi été mentionné que le fait d’être confrontés aux diverses difficultés inhérentes à l’évolution d’un projet et, souvent, à l’utilisation de l’ordinateur, a également permis aux élèves de développer leur ténacité :

« Je dirais qu'ils ont retiré qu'il faut que tu essais. Des fois tu essais, tu marches, ça marche du 1er coup, des fois non. Ils ont eu un peu de misère à mettre les images sur le site. Ils ont compris que, des fois, il faut que tu recommences, que tu poursuives. Avec un effort, bien des choses qui semblent difficiles ne le sont pas, tant une fois que tu es embarqué dedans, puis que tu désires le faire. Ça a été un des commentaires des enfants. »

La réalisation de projets intégrant les TIC n’est pas bénéfique que pour les élèves individuellement, mais aussi pour le climat d’apprentissage de la classe :

« Quand les élèves sont motivés, tu n'as pas besoin de les pousser à travailler. Mon projet a pris beaucoup de temps que j'aurais normalement pris pour les sciences, math, sciences humaines, français. Au bout du compte, je n'ai pas été en retard dans la matière parce que les enfants ont le goût de travailler parce que leur projet les passionne. Après ça, on arrive dans le français régulier, math régulier et ils sont sur leur air d'aller et ça va bien, ça roule et on ne perd pas de temps à faire ça, parce que les élèves sont motivés à travailler et c'est moins difficile pour moi. Puisqu'ils sont motivés, je n'ai pas de problème de discipline.»

 

Malgré les bienfaits que tous semblent attribuer aux projets intégrant les TIC, il reste que la réalisation de projets de ce genre demande un grand investissement de temps. Si l’on ne tient pas compte des difficultés posées par tous les aspects liés aux technologies, c’est en effet l’investissement de temps qui semble être la contrainte principale. Cependant, cet investissement semble avoir été fait sans paraître comme une corvée. Cette enseignante résume la situation en ces termes:

Cette contrainte, ajoutée à une organisation différente de la classe, notamment avec du travail en équipe, rend parfois difficile une juste répartition des tâches :

« Le plus difficile a été de respecter le rythme de chacun dans chacune des équipes, que chaque enfant respecte la tâche qu'il avait choisie de faire. Ça a créé des insatisfactions parce que certains étaient moins minutieux que d'autres. »

Enfin, même si l’emballement pour les projets intégrant les TIC est grand, il reste qu’il s’agit d’une approche pédagogique conçue comme faisant partie d’une variété d’approches, comme le démontre la réflexion d’une stagiaire dans une discussion tirée du forum et portant sur la pertinence de toujours travailler en projet :

« Je partage une partie de ton opinion sur faire travailler les enfants en projet à temps plein, toutefois j'ai certaines réserves. Pour avoir observé des enfants travailler de cette façon, je dirais que la plupart du temps ça fonctionne bien, les enfants sont stimulés et embarquent pleinement dans la tâche, mais la difficulté que j'ai
observée, c'est que les enfants doivent réapprendre à chercher à travers les différentes sources d'information, ils sont trop habitués à tout obtenir en «pitonnant». Ils demandent des données rapides et ils ont tendance à couper au plus court. C'est pourquoi j'apprécie le travail par projet car cela les aide et les force à aller plus loin et à échanger avec leurs collègues (partie très importante dans les projets). Toutefois, je pense que certains enfants ont besoin de varier leurs méthodes d'apprentissage; alors, comme toute chose, seulement des projets ne peut pas convenir à tous. Aussi, je dirais que la formule des cliniques individuelles ou en petits groupes est une excellente façon de rejoindre certains enfants plus timides à poser des questions, cela leur permet de s'exprimer plus librement. Un autre point sur les projets, c'est qu'ils doivent avoir des buts différents, c'est-à-dire selon moi, ils ne doivent pas tous aboutir à une réalisation artistique, cela peut être un texte, une improvisation, une représentation théâtrale ou une construction mathématique. » (6)

(6) Extrait tiré du forum de discussion des stagiaires, dans le cadre du cours d'Intervention pédagogique et gestion de classe (ENP-20005).



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L’impact sur la culture de l’école, les pratiques d’apprentissage et le développement professionnel des enseignants


Quand les murs de la classe deviennent poreux

 

Plusieurs projets ont amené une ouverture de la classe sur l'extérieur et ont permis l'établissement d'un meilleur climat de collaboration. D'abord parce que plusieurs projets ont nécessité la collaboration entre enseignants. Le projet de vidéoconférence en est l’exemple le plus frappant. Tout au long de la planification et de la mise en œuvre du projet, les enseignants ont eu à échanger ensemble, tant sur les façons d'organiser la classe que sur les divers aspects techniques reliés à la mise en œuvre.

Les projets menés par les stagiaires ont suscité de la collaboration entre pairs, mais aussi entre stagiaires et enseignants associés et entre l’université et le milieu scolaire en tant que partenaires dans l’innovation pédagogique. Comme les projets initiés par les futurs maîtres étaient réalisés en cours de stage, ils devaient collaborer avec leurs enseignants associés. Bien que leurs projets étaient différents, les futurs enseignants ont pu aussi échanger entre eux sur leur expérience par le biais d'un forum électronique, ce qui, pour la majorité, fut grandement apprécié. Ce forum fut autant un lieu d'échange sur la pédagogie, la gestion de classe qu'une source d'idées pour de futurs projets. Les participants mentionnent d'ailleurs que celui-ci fut un lieu d'entraide, de soutien mutuel, sans esprit de compétition, ce qu’a également démontré l’analyse du forum en question.

 

Un tel réseau d’échange et d’entraide n’est pas seulement pensable pour les étudiants. Voici le commentaire d’une stagiaire qui entrevoit la possibilité d’échanges similaires, tant entre enseignants qu’entre élèves :

« Si les réseaux dans les écoles peuvent s’améliorer, ce sera une source d’informations, de culture, d’échange et de diffusion. Le travail d’équipe sera aussi favorisé, car il sera impossible pour l’enseignant de tout savoir et de tout expliquer. L’entraide sera nécessaire, les enfants devront développer leurs connaissances entre eux (avec le soutien de l’enseignant évidemment), d’où la création d’une communauté d’apprentissage. » (7)

 

Les projets de co-construction de connaissances, comme le projet portant sur les régions administratives du Québec, impliquaient, par leur nature même, des échanges entre pairs d'une même classe ou d'une classe différente. Leurs travaux devenaient ainsi visibles par les autres, ce qui a eu pour effet d'augmenter la motivation et les efforts. Que ce soit dans un environnement spécialement conçu pour ce type d'échange (l'Abcw/Web Knowledge Forum, par exemple) ou par l'entremise du courrier électronique, les élèves ont développé leur habileté à communiquer entre eux et avec des adultes. Dans le projet de vidéoconférence, plusieurs élèves ont bénéficié de l'aide de leurs parents. Par exemple, dans un des groupes, qui avait pour thème les pays du monde, plusieurs élèves ont apporté à l'école de la documentation ou des objets de la maison. Certains projets ont aussi incité des adultes de la communauté à venir à l’école. Pour le projet de tapisserie sur la Nouvelle-France, des grands-parents sont venus aider les élèves en classe. Les élèves qui ont créé des scénarios de pièces de théâtre sur la Renaissance ont présenté leurs pièces devant des parents, des membres de la direction. Pour cette occasion, même une équipe de Radio Canada s'était déplacée.

 

La réalisation de projets intégrant les TIC favorise aussi la visibilité des travaux des élèves. La mise en ligne des travaux des élèves a, dans plusieurs cas, nécessité l'autorisation des parents. Si quelques parents se sont montrés réticents, la plupart ont plutôt été intéressés et avaient bien hâte de voir les travaux sur le réseau. Certains parents qui avaient d'abord refusé de donner leur accord ont même changé d'avis dès qu'ils ont vu les résultats des projets. Il faut dire que l'enthousiasme des enfants s'est vite rendu jusque dans les foyers.

 

Enfin, il est également intéressant de noter comment plusieurs enseignants ont eu recours à de l'aide provenant de l'extérieur, surtout sur le plan technique. Ce fut tout particulièrement le cas des stagiaires, qui furent nombreux à faire appel à des collègues ou à des amis, souvent pour des questions d'ordre technique.

Bref, le programme Rescol à la source a été un agent mobilisateur pour les futurs maîtres et les enseignants qui ont su faire preuve d’un certain sens d’initiative, prendre certains risques et s’engager dans des projets qui requéraient et renforçaient leur capacité de collaboration. Le partenariat Université-Réseau d’écoles associées et Rescol à la source fut réussi. Il a permis de réunir les conditions pédagogiques et matérielles, lesquelles ont créé un environnement propice à l’expérimentation nécessaire à une utilisation judicieuse de l’ordinateur en réseau en salle de classe.

Cependant, le temps nécessaire à la réalisation de projets en collaboration demeure un élément considéré très important. En effet, presque tous ont relevé cette réalité. Les exigences requises par la diffusion des travaux sont plus grandes et le temps s'avère la ressource la plus rare, comme en fait part cette enseignante :

«Il y a une chose: le temps. Rescol n'est pas fautif, mais le temps… On se tape le nouveau curriculum, c'est compliqué… Mais il faut essayer une première fois. »

 

On constate ici que les TIC sont perçues comme exigeant du temps additionnel, à tout le moins un certain redéploiement du temps, lorsqu’elles deviennent un moyen d’apprendre ensemble par projet et de rendre public certaines productions ou créations.

 

(7) Extrait tiré du forum de discussion des stagiaires, dans le cadre du cours d'Intervention pédagogique et gestion de classe (ENP-20005).


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Quand les enseignants et les futurs enseignants apprennent dans l’action et par voie de retour sur l’action

Comme la majorité des enseignants et des futurs enseignants l’ont souligné, la réalisation d’un projet est, encore plus lorsque les TIC y sont intégrées, constamment parsemée d’ajustements, tant sur les plans technique qu’organisationnel et pédagogique. Ceux qui les réalisent doivent donc être suffisamment confiants de pouvoir composer avec toute éventualité. Dans les cas observés, presque tous les enseignants et futurs enseignants ont admis avoir dû modifier certains aspects de leur projet en cours de route. Malgré ces tracas, tous ont affirmé que l’expérience en valait la peine, compte tenu de ce que les élèves en avaient retiré et de la motivation qu’avaient suscitée les projets. Plusieurs ont également affirmé qu’ils modifieraient éventuellement quelques éléments de leur projet. Comme toute approche pédagogique, l’habileté d’un enseignant à mettre en œuvre des projets intégrant les TIC vient avec l’expérience, ce qui explique que les premiers projets du genre sont généralement plus laborieux à mettre en œuvre.

De plus, force est d’admettre que les circonstances ne sont pas toujours favorables à la réalisation de tels projets. Il revient donc à l’enseignant ou au futur enseignant d’analyser ces circonstances et d’agir en conséquence. Enfin, la réalisation de projets au moyen des TIC est une approche pédagogique. Or, comme toute approche, elle a ses forces et ses faiblesses et ne pourrait être vue comme une seule et unique solution. Dans un tel contexte, le but ou les objectifs à atteindre doivent demeurer au cœur de chaque intervention, guidant la nature et la fréquence de l’utilisation de l’ordinateur-outil.

 

Tant les enseignants que les futurs enseignants interrogés voient d’ailleurs l’ordinateur comme un outil, comme un complément qui s’insère dans une démarche avant tout pédagogique, en l’occurrence, l’approche par projet. L’ordinateur n’est donc pas considéré comme une fin en soi. Pratiquement tous ces gens affirment avoir dû apprendre certaines notions informatiques (comment réaliser une page Web, comment utiliser le courrier électronique, comment utiliser une caméra numérique, etc.), au gré des besoins amenés par le projet. Or dans un tel contexte il n’est pas nécessaire de tout connaître, mais plutôt de l’apprendre en temps et lieu. De la même façon, la formation et l’aide dépendent des outils utilisés dans un projet et du moment où ils doivent être utilisés. Comme la rareté du temps est un facteur important dans le milieu scolaire, les enseignants préfèrent d’abord répondre à leurs besoins immédiats. Dans cette situation, la formation et le support « juste à temps » semblent être une solution à privilégier.

 
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 Quand le programme Rescol à la source gagne à être connu

À l'exception de deux d'entre eux, aucun des enseignants et des futurs enseignants interviewés n'avait participé au programme Rescol à la source auparavant. D'ailleurs, lorsqu'on leur a demandé quelles pourraient être les améliorations qui pourraient y être apportées, tous (sauf une) ont affirmé que le programme devrait être davantage connu. Deux mentionnent avoir appris l'existence du programme lors du congrès de l'AQUOPS, les autres soit par le biais des conseillers pédagogiques, soit par le biais de l'université.

Plusieurs enseignants mentionnent l’importance d’avoir accès à des modèles, afin de mieux avoir recours au programme. Ils sont aussi peu tentés par la perspective de devoir remplir de longs formulaires. Cet enseignant rassemble l’opinion de plusieurs :

«Je pense que ce n'est pas très connu. Ce qui arrête les gens, c’est qu'ils pensent devoir faire des rapports compliqués. On a souvent l'impression que ce qu'on fait est ordinaire (…).»

 

D’une part, ils craignent de ne pas être à la hauteur. D’autre part, le fait d'être diffusé est également mentionné comme étant un élément de motivation, un défi à relever. Maintenant qu'ils ont une meilleure idée du programme, ils veulent y participer de nouveau, car ils apprécient le fait de pouvoir aller chercher un peu d'argent pour équiper leur classe.

Voici le témoignage d’un enseignant qui aurait bien aimé connaître le programme avant :

« J'aurais aimé le connaître davantage plus tôt. J'aurais pu aller me chercher beaucoup de sous, peut-être pour avoir un autre ordinateur dans ma classe. C'est motivant de savoir que ce qu'on fait, ça va être diffusé dans un réseau puis qu'après, on va pouvoir en tirer profit.(…)»

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Les perspectives futures

 

En regard des témoignages recueillis, il appert que le programme Rescol à la source constitue une belle source de motivation pour la réalisation de projets scolaires intégrant les TIC, tout en permettant aux écoles de se procurer certains équipements légers qui correspondent à leurs besoins. Il reste toutefois des efforts à faire pour que le programme soit mieux connu par les principaux intéressés, les enseignants. Plusieurs restent encore craintifs face à la lourdeur de la tâche que cela peut impliquer et doutent même de leur capacité à relever le défi. Une meilleure présentation de modèles concrets de projets et de formulaires remplis pourrait représenter une solution à cet égard.

La possibilité de réaliser un premier projet avec de l’aide apparaît une solution intéressante : les enseignants et les stagiaires ont, dans l’ensemble, apprécié ce support dans l’action. Les futurs enseignants ont tout particulièrement trouvé bénéfique d’avoir réalisé leurs projets en même temps que d’autres collègues. Les échanges qui se sont déroulés simultanément à la mise en œuvre de leurs projets leur ont permis de se supporter et d’avancer ensemble, sans vivre l’insécurité d’être seul.

Il est intéressant de constater que tous les enseignants et futurs enseignants interviewés ont affirmé vouloir refaire des projets intégrant les TIC. Malgré les difficultés qui ont parfois été rencontrées, ce sont les aspects positifs qui ont été retenus : la motivation suscitée chez les élèves, la possibilité pour ceux-ci de faire preuve de créativité, le fait que les élèves aillent souvent au-delà des objectifs, les traces laissées et le fait que l'approche par projet et l'intégration des TIC s'inscrivent dans les nouveaux programmes. Les futurs enseignants sont particulièrement enthousiastes. Plusieurs d'entre eux mettent cependant des bémols : ceux qui n'ont pas terminé leurs études affirment que réaliser de tels projets dépend de l'ouverture de l'enseignant et de l'école où leurs stages auront lieu. Il en est de même quant à leur future intégration sur le marché du travail.

 

L'expérience aidant, plusieurs enseignants affirment qu’ils modifieraient leurs projets. En outre, certaines difficultés vécues pourront désormais être prévues et donc contournées. Cependant, l'accès au matériel et au soutien technique reste encore trop souvent un frein majeur. Cet enseignant décrit ainsi la situation au secondaire :

« Au secondaire, les conditions d’accès au matériel sont encore plus difficiles étant donné le découpage des matières dans les horaires. Il faut aller au laboratoire sur les heures de cours (d’une durée de 75 minutes). Il faut réserver et le laboratoire n’est pas toujours disponible au moment voulu. » (8)

 

Toutefois, dans certaines écoles, peu d’enseignants utilisent les laboratoires, de sorte qu’ils sont plus souvent disponibles pour celles et ceux qui osent s’en servir.

Lorsqu'on leur demande leur avis sur la participation éventuelle d'autres enseignants, les enseignants affirment que leur expérience sera probablement un déclencheur dans leur milieu et qu'un nombre grandissant d'enseignants se montrent ouverts à l'approche par projet et à l'intégration des TIC. Ils soutiennent aussi, cependant, que beaucoup d'enseignants ne sont pas encore suffisamment avancés dans leur démarche personnelle, se sentant encore insuffisamment compétents. Il faut dire que l'accent est encore beaucoup mis sur la technique et, qu'à ce chapitre, les réticences sont souvent occasionnées par la peur, la peur de ne pas se débrouiller suffisamment. Voici un témoignage qui résume bien la situation qui semble prédominer, en parlant des enseignants intéressés par l’intégration des TIC :

« Il y en a de plus en plus. Il y en a encore qui sont très réticents, d'autres le sont de moins en moins. Tant mieux, mais il y a encore du chemin à faire. Moi, je ne suis pas découragé de ça. Je pense que tranquillement, l'utilisation des technologies va être omniprésente en enseignement. Toujours comme un outil, parce que ce n'est pas une fin. »

 

Ce stagiaire porte quant à lui un jugement plus sévère, en faisant référence à la réticence de certains enseignants à aller vers des approches moins traditionnelles :

« C’est la crainte de l’inconnu. Peut-être que certains n'ont jamais touché à un ordinateur de leur vie, et ont peur de se faire ridiculiser. Ce n’est pas utile, c’est une nouvelle mode qui va passer. Au niveau du projet, c’est pareil. C’est l’inconnu, l’insécurité. Certains profs sont habitués de livrer l’info en avant : ils se sentent à l’aise. Ils sont déboussolés quand il faut mettre les élèves au travail. Il y a un outil : comment apprendre aux élèves comment apprendre. »

L’ensemble des témoignages à ce sujet laisse donc entendre que l’ouverture des enseignants aux approches pédagogiques intégrant l’utilisation des TIC est de plus en plus grande, mais qu’il reste encore beaucoup de réticences, notamment à cause des aspects techniques mais aussi à cause du changement des rôles (enseignant et élèves) qu’amène l’approche par projet. Aussi, l’ordinateur reste-t-il encore pour plusieurs un ajout de nature périphérique et non un outil pour la réalisation des activités régulières de la classe.

(8) Extrait tiré du forum de discussion des stagiaires, dans le cadre du cours d'Intervention pédagogique et gestion de classe (ENP-20005).



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Une voie de renouvellement pédagogique à poursuivre

 

Les commentaires des futurs enseignants et, encore plus, les résultats de leurs projets démontrent que ceux-ci se sont fort bien débrouillés, malgré le peu de formation offerte sur l’approche par projet et l’intégration des TIC. Cela montre bien l’importance des démarches personnelles dans un processus d’intégration des TIC en classe. Il ne faut toutefois pas compter uniquement sur de telles démarches : rappelons-le, les étudiants qui ont réalisé les projets observés pour cette étude de cas représentent moins de 10% des étudiants au programme de formation des maîtres. Or, si une plus grande place accordée à l’approche par projet et aux TIC dans le cadre du programme de formation des maîtres serait souhaitable, l’analyse des données montre qu’une large part du savoir-faire s’acquiert dans la pratique. Encore faut-il que les futurs enseignants en aient l’occasion. En ce sens, la possibilité de réaliser de véritables projets durant les stages apparaît avoir été une expérience fort positive pour ceux-ci. Dans une même visée, la possibilité de participer, par le fait même, au programme Rescol à la source semble avoir été, du moins pour la plupart de ces étudiants, un bon complément, une source de motivation, et même un petit plus qui leur a permis d’obtenir un meilleur appui de la direction et de leur enseignant associé.

La volonté de faire des projets intégrant les TIC est une chose, la possibilité d’en faire en est une autre. Pour les stagiaires, l’opportunité de réaliser de tels projets en cours de stage dépend d’une bonne part du contexte : l’ouverture des intervenants du milieu à la mise en œuvre d’un tel projet, l’accessibilité du matériel, le temps et, lorsque cela est nécessaire, le support disponible. Dans le cas étudié ici, les étudiants ont pu bénéficier du support et de l’encadrement de l’université et surtout, ils se sont supportés mutuellement et ont vu leurs projets accueillis dans leurs lieux respectifs de stage. Toutefois, il reste un certain nombre d’entre eux qui se sont butés à un manque d’accessibilité au matériel nécessaire ou à un manque d’ouverture face à cette approche dans leur milieu de stage. Chez les enseignants, les commentaires montrent bien à quel point l’attention est encore mise sur la technique, celle-ci étant la principale raison attribuée au manque d’intérêt de plusieurs enseignants. Cela met en lumière le besoin de formation et de support technique, pédagogique et administratif en milieu scolaire.


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Le rôle des commissions scolaires et des directions d’écoles

 

Il est important de mentionner le rôle qu’ont joué les commissions scolaires et les directions des écoles dans la mise en œuvre des projets réalisés. En effet, plusieurs n’auraient pas eu lieu sans ces appuis. Par exemple, le projet de vidéoconférence, parce qu’il s’agissait d’un projet collectif et qu’il incluait des éléments techniques particuliers, n’aurait pu être mis en œuvre sans la collaboration de plusieurs membres de la commission scolaire des Découvreurs. Bien que le projet impliquait d’abord deux enseignants, ce sont ensuite les conseillers pédagogiques qui ont recruté les autres enseignants participant au volet collectif du projet. Les techniciens ont également participé puisqu’ils ont dû installer les caméras vidéo et, dans le cas de certaines écoles, gérer la mise en ligne des productions des élèves. C’est aussi le service des ressources matérielles de la Commission scolaire qui, par une avance de fonds, a permis l’achat des caméras (9), sans lesquelles le projet n’aurait pu avoir lieu. Enfin, les directions d’école ont également contribué au projet, notamment en approuvant les lettres de demande d’autorisation de diffusion des productions des élèves destinées aux parents.

 

Si cet exemple s’avère peut-être exceptionnel, par la complexité du projet et par le nombre d’intervenants en cause, l’appui direct ou indirect des commissions scolaires et des directions d’écoles est néanmoins essentiel pour mettre en œuvre des projets intégrant les TIC, ne serait-ce que pour l’accès au matériel. Le soutien de la direction de l’école est également essentiel lorsqu’un tel projet est réalisé dans une école où ce type d’activité ne s’inscrit pas dans la culture de l’école.

 

Dans plusieurs cas, les projets intégrants les TIC peuvent donner lieu à un certain bouleversement des habitudes pédagogiques et il y a de fortes chances qu’un enseignant qui ne se sent pas appuyé abandonne. Une stagiaire a d’ailleurs relaté ce genre d’expérience, en parlant de sa participation au programme Rescol à la source:

« C’est un plus, mais puisque la direction de mon école était peu intéressée par mon projet, j’étais peu motivée à le faire. »

 

Il est cependant nécessaire de rappeler qu’un tel manque d’intérêt de la part de la direction fut assez rare dans les écoles faisant l’objet de cette étude de cas. En effet, les directeurs sont de plus en plus ouverts aux projets intégrant les TIC car, d’une part, la commission scolaire des Découvreurs a fait beaucoup d’efforts dans cette voie depuis quelques années et, d’autre part, les nouveaux programmes qui entrent en vigueur cette année le justifient d’autant plus.

(9) Suite à la réception de la subvention de Rescol à la source, chacune des écoles participantes a remboursé le coût d'achat des caméras. Bien que la participation au programme de Rescol à la source ait précisément pour but d'autofinancer l'achat des caméras, cette avance de fonds fut nécessaire afin de mettre le projet en route.

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Conclusion

 

Tous les milieux scolaires de la région de Québec ne développent pas leur capacité au même rythme, mais la majorité commence à s'ouvrir aux approches pédagogiques intégrant les TIC. En effet, d'importants progrès ont été réalisés au cours des 3 dernières années. Diverses expériences, d'abord isolées, commencent à porter fruits grâce au partage de l'expérience ainsi acquise. De plus, l'accès au matériel informatique est désormais présent dans presque toutes les écoles de la région et il en est de même pour l'accès au réseau Internet. À ce chapitre, les écoles de la commission scolaire des Découvreurs sont particulièrement choyées, chacune d'elles étant reliée par fibre optique. Notons ici le rôle important que le Plan d'acquisition d'équipement informatique pour la formation générale (10) du Ministère de l'Éducation, en vigueur depuis l'année 1996-97 et pour une période de 5 ans, a joué en permettant à un grand nombre d'écoles de procéder à l'achat d'équipement informatique.

Bien que l’aspect technique qui caractérise les projets intégrant les TIC soit important, les ajustements pédagogiques sont, eux aussi, significatifs. Or, il apparaît que cet aspect est souvent omis des différents programmes de formation. Pourtant, les personnes rencontrées ont beaucoup fait état de la nécessité d’adapter la pédagogie, l’organisation et la gestion de la classe.

Ici au Québec, les nouveaux programmes du Ministère de l'Éducation du Québec ont pour effet de stimuler l'ouverture aux approches pédagogiques nécessitant, ou favorisant, l'intégration des TIC. Il faut aussi constater que bien que plusieurs des projets de classe intégrant les TIC sont d’abord l’initiative d'enseignants, ces derniers ont généralement besoin d’un appui de leur commission scolaire et, encore plus, de la direction de leur école.

Pour les futurs enseignants qui s’apprêtent à vivre les nouveaux programmes, mais aussi pour les enseignants qui désirent intégrer les TIC dans leur enseignement, il est donc pensable de rendre disponible de la formation et du support. Idéalement, l’appui devrait se faire simultanément à l’action, les exemples présentés dans cette étude de cas démontrant à quel point la démarche personnelle est importante et comment les questions viennent surtout dans l’action. Le partage des expériences et la réalisation « collective », sans que ce soit nécessairement un même projet, apparaissent ici des voies intéressantes. En ce sens, l’exploitation des réseaux afin de favoriser l’émergence de communautés de pratique apparaît être une avenue intéressante pour la formation initiale comme pour la formation continue portant sur l’intégration des TIC.

 (10) Mesure 50590 pour l'enseignement public, Ministère de l'Éducation. http://www.eduq.risq.net/DRD/planific/en_ligne/regpub99.html .


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